L’Histoire du petit boulanger de Saint Martial
Frédéric-Pierre Theulier est né en 1850 à Marminiac dans le Lot (46).
En 1870, cet émigré du Quercy, (fils de Jean, boulanger) s’installe à « Saint Martial de Nabirat » petit village du Périgord (600 habitants). Là, il bâtit une maison et ses dépendances dans le but d’ouvrir sa propre boulangerie. Il fonde une famille en épousant Eugénie Maleville. De cette union naîtra quatre enfants. Trois filles : Madeleine, Paule, Denise et un garçon Honoré (le 28 juin 1900).
L’histoire retiendra que le métier de boulanger restera une vocation encrée au fil des générations. La fille de Madeleine, Cécile, épousera le boulanger de Périgueux, Paule épousera le boulanger de Beaumont du Périgord. Ses 2 garçons, Pierre et René, travailleront dans la boulangerie familiale jusqu’à la mort de leur père. Honoré, quand à lui, reprendra la boulangerie de son père en 1920.
Une vocation
« Anar cercat lo pan cô Marminiac »
« Je vais chercher le pain chez Marminiac » (patois occitan). Depuis le début, dans les années 1870, jusqu’an 1950, la boulangerie de Frédéric était fréquemment désignée comme la « Boulangerie Marminiac» (nom du village d’origine de son créateur). Dès son installation, Frédéric adopte une méthode de travail unique pour son époque. La fabrication de pain sur levain cuit dans un four chauffé au bois. Cette pratique sera perpétuée pendant plus d’un siècle. En ces temps, la boulangerie est fréquentée par un monde rural qui en dehors du village ne se déplace qu’une à deux fois par quinzaine.
Les conditions de travail sont rudes : chaque fournée de pain est constituée de 100 kg de farine, de levain (pâte fermentée préparée la veille), de sel et d’eau. Cette quantité sera pétrie à la force des bras jusqu’à l’arrivée en 1920 du pétrin mécanique actionné par un moteur thermique.
Honoré (1900-1994)
La succession sera toute naturelle avec Honoré. Dés son plus jeune âge (12 ans), Honoré sera attiré dans le fournil pour se consacrer à l’apprentissage du métier. Dés lors, son père lui confit toutes les taches de second ordre (sortir le pain du four, préparer et enfourner le bois pour la chauffe et assurer le réapprovisionnement du bois).
Son service militaire terminé, durant les années 1920, Honoré prend progressivement les rennes de la boulangerie. Son métier l’accapare à cent pour cent et les distractions sont rares. « Le dimanche après midi (seul moment de détente) une serviette sous un bras et un pain sous l’autre Honoré déambulait dans le village pour se rendre chez un copain de régiment pour se faire raser la barbe en contre partie d’un pain.»
La vie bascule en 1930 avec l’arrivée de la petite Parisienne «Jeanne Marie Ribault». Le mariage est célébré cette année même. De cette union naîtra une fille et quatre garçons. Dés lors toutes les habitudes sont chamboulées. Il faut penser à la famille et au métier qui évolue.
Concurrence oblige, l’achat d’un véhicule est nécessaire car il faut prévoir la livraison à domicile du pain pour la clientèle éloignée du village. Les années 30 s’écoulent avec le développement de l’activité au niveau régional.
La deuxième guerre mondiale (39-45) entraîne de grosses difficultés liées au rationnement de la farine et à sa qualité. La rareté de l’essence entraîne l’abandon des livraisons à domicile. Dans ce contexte, Honoré met un point d’honneur à braver (avec beaucoup de risques) toutes ces interdictions afin de continuer à fournir à sa clientèle privilégiée le pain traditionnel. « Les risques, c’est Jeanne qui les prenait en partant la nuit (avec un taxi) à des dizaines de kilomètres chercher 200 kg de farine interdite ».
La guerre se termine et l’activité reprend son cours normal. Après 6 années d’interruption, les livraisons à domicile reprennent et la réputation pour le pain du petit boulanger de Saint-Martial ne cesse de s’accroître.
Pendant les 35 années qui suivirent, la boulangerie ne cesse son développement. De nombreuses innovations sont réalisées, tant sur les produits que sur la méthode et la gestion.
C’est à 76 ans, après avoir consacré toute sa vie à son métier et à perpétuer une marque de fabrique qu’Honoré décide d’effectuer sa dernière fournée. Il laisse à ses enfants et arrières petits-enfants un souvenir unique d’un savoir-faire et un sens aigu de bien faire les choses.
Après son décès, en 1994, la quatrième génération s’oriente naturellement vers le métier du négoce des matières premières. En créant, WATERFOOD, la descendance installe la continuité des valeurs en fournissant une farine de Tradition pour le développement à l’export, et dans les meilleures conditions, de la boulangerie artisanale à la Française.